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Mon père est parti de la maison lorsque j’avais six ans. Il est parti pour ne plus jamais revenir. Je crois que ma mère ne s’en est jamais remise. Elle disait qu’il était son âme-sœur, que sans lui, elle n’était que la moitié d’elle-même… J’ai toujours trouvé ça stupide. L’amour, c’est pourri et cette histoire d’âme-sœur, plus débile qu’autre chose… Enfin ça, je le pensais avant que je ne rencontre Teddy. Bon, je vous vois venir, deux meufs aussi canons que nous ensemble, ça vous émoustille, n’est-ce pas ? Et bien calmez vos hormones, parce que Teddy est moi, on n’est pas en couple. J’ai du mal à digérer les crustacés, laissons les français bouffer leurs huitres et autres cuisses de grenouille, moi, je préfère largement un bon gros steak bien saignant. Enfin bref, je m’égare. Teddy est, ce que j’aime appeler, mon âme-sœur. Elle est une sœur, une amie, une confidente, un tout qui fait d’elle une personne essentielle dans ma vie… et je crois que si elle n’était pas entrée dans mon existence, tout serait beaucoup moins agréable à vivre…



J’ai rencontré Teddy à l’âge de six ans, quelques mois après que mon père ait quitté la maison. Et son départ ne laissa pas seulement un manque affectif dans nos vies, mais également un manque économique. Ma mère n’avait plus de quoi payer les factures, du coup, on déménagea de notre charmante petite maison pour vivre dans… un immeuble. Un immeuble aux nombreux étages et avec des graffitis sur les murs. Un immeuble qui puait le poisson (et vous savez combien je n’aime pas les produits de la mer) et qui me donnait l’impression d’être enfermée dans une cage à lapin. Le matin, on entendait les vieux sortir leurs poubelles, le midi l’odeur de la friture chez les voisins envahissait notre  appartement et le soir, les ébats de l’autre côté des murs étaient aisément perceptibles. C’était la merde et je détestais cet endroit. Il n’était donc pas rare que j’aille m’isoler dans la cage d’escalier et ce jour là, j’avais eu la fabuleuse idée de taguer le mur en face de moi à l’aide d’un… stylo quatre couleurs, s‘il vous plaît. Autant vous dire que je ne suis pas allée bien loin. « Tu fais quoi ? ». Un sursaut et paf, c’est ainsi que Teddy est entrée dans ma vie. A l’époque, elle était légèrement plus grande que moi et ses cheveux étaient aussi blonds et longs que de nos jours. Je me souviens qu’elle portait une salopette rayée rouge et blanche et d’ailleurs, je n’avais pas manqué de me foutre de sa gueule. « J’AI TROUVE CHARLIE !!!! ». Et alors que je m’attendais à m’en prendre une - ouais les gens dans cet immeuble de banlieue étaient chelous fallait s’attendre à tout - la blondinette se mit à éclater de rire… ce qui me fit rire aussi. « non mais sérieux, ta mère elle a cru c’était le carnaval des salopettes moches ou quoi ? ». Et encore une fois, elle se mit à rire et à l’instant, je me souviens m’être intérieurement dit que cette fille comprenait mon humour à la perfection. « Et toi, t’as cru t’étais une rebelle à taguer un mur avec un stylo bic ? ». Ouais pas con et comme elle l’avait fait précédemment avec moi, je me mis à éclater de rire. « ça va, j’avais que ça dans ma trousse ! ». Et là, le regard de Teddy s’illumina et elle sortit de sa poche - comme quoi finalement, les salopettes c’est ultra pratique - un… MARQUEUR !!! Mouhahaha.

Et c’est ainsi que Teddy et moi, on est devenues copines. Et cette amitié était la plus belle que j’avais rencontré jusqu’à présent. D’ordinaire, les filles de mon âge me trouvaient trop cynique et elles tiraient la tronche quand je sortais une grossièreté… alors que Teddy, elle se marrait à chacune de mes blagues et elle avait un langage encore plus vulgaire que le mien. Finalement, déménager n’avait pas été si horrible que cela puisque désormais, j’avais Teddy à mes côtés et je peux vous dire, qu’on se marrait comme jamais. L’immeuble était devenu notre terrain de jeu, les voisins nos pauvres victimes. On ne cessait d’avoir des idées franchement débiles qui nous traversaient l’esprit et nous n’avions peur d’aucune punition susceptible de nous tomber dessus. On passait plus de temps dans l’aire de jeu ou dans la cage d’escalier plutôt que chez nous et c’était franchement le pied. « T’as pété ! ». « Trop pas ! ». « ça pue, j’suis sûre t’as pété ! ». « mais j’te dis que non ! C’est toi, t’as le nez trop près de la bouche, du coup ça pue la mort ! ». Et évidemment, on rigolait comme deux débiles, parce que nous avions le même humour et que nous insulter mutuellement nous amusait fortement. C’était notre façon de nous témoigner notre affection… cependant, hors de question que quelqu’un d’autre s’y mette, à ses risques et périls. « Eh Marnie, toi t’es un peu un kinder… t’es brune à l’extérieur et blonde à l’intérieur ! ». Ça, c’est Kader, un trou du cul de notre immeuble. Ce con avait vingt-deux ans et était encore en seconde. Un vrai attardé qui se prenait pour un beau gosse en plus, avec son jogging décathlon et ses baskets de minette. « Eh Kader, t’es con naturellement ou tu prends des cours du soir ? ». Du Teddy tout craché. Et c’était comme ça entre nous. Pas question que quelqu’un d’autre s’attaque à l’une de nous. Entre Teddy et moi, c’était un peu deux pour tous et tous pour un, nous n’étions pas les trois mousquetaires, mais les deux Mistinguetts et on n’avait peur de rien, ni de personne. Entre deux kebabs, le père de Teddy ne cessait de nous dire qu’on allait finir par s’attirer des ennuis, mais venant d’un mec qui offre même pas des Kebabs gratuits à sa pauvre fille, nous n’avions pas de leçon à recevoir. Et puis de toute façon, aux côtés de Teddy, j’avais la certitude que rien ne pouvait m’arriver.

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